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L'ABBAYE DE SAINT HUBERT

(copie & reproduction interdite)


Bure était donc de la principauté de Liège. Notre souverain était le Prince-Evêque. Nous suivions les lois de Liège. Nous payions des impôts pour la Principauté. Le Prince-Evêque qui était le haut-(vrai) justicier; il exerçait cette fonction par le prévôt de Revogne. Le Prince-Evêque avait le droit de police et d'autres droits que nous examinerons plus tard.
L'Abbé de St Hubert était seigneur de Bure, de Tellin et du hameau de Nives: Tellin, une partie « Les Alloux de Tellin » dépendaient du duché de Bouillon – une autre « entrecours » du duché du Luxembourg – la troisième dépend donc de Liège. Nive, un « hameau ».  Le cense de Nive (archives d'Arlon) était une ferme très importante. Une pièce de 24-1-1650 nous dit que ce hameau fut rasé par la guerre.
Or, remarquez ceci: notre seigneur foncier c.à.d. « propriétaire » était l'abbaye de St Hubert. L'abbaye de St Hubert avait des propriétés dans la Principauté de Liège: Bure -dans le duché de Luxembourg: Lesterny -en France: Prys les Mézières, tout comme leur voisin, le comte de Rochefort, avait des villages liégeois: Lessive, Eprave, Ciergnon et des villages luxembourgeois: Forrières, On et d'autres seigneuries en Allemagne. Les seigneurs avaient des droits sur leurs villages -que nous examinerons une autre fois. Signalons, en passant, leur droit de justice: ils désignaient, nommaient la cour de justice (le tribunal). Donc à Bure on suivait les lois de la Principauté de Liège au civil et au criminel (mais les juges). La cour de Bure était désignée par l'Abbé de St Hubert. (juges de Rochefort nommés par la France).
Les seigneurs avaient souvent aussi de grandes propriétés, domaines - « censes - boveries ». A bure, l'Abbé de St Hubert possédait un grand domaine: des bois et une boverie. Cette boverie, reconstruite plus d'une fois, remaniée et transformée en château fortifié vers 1580. De là le château de Bure. En 1579, Gérard de Groisbeek, Prince-Evêque de Liège, à cause des périls de guerre, permet de fortifier la boverie pour les religieux et les gens de Bure, la cense et la maison, au frais de l'abbaye (et non des habitants). Il rendit grand service aux moines de St Hubert. Les abbés venaient se soustraire à la turbulence des moines, se reposer, se livrer à des parties de chasse. Lorsque, en temps de guerre, les ennemis arrivaient, les moines se sauvaient de St Hubert à Bure où ils étaient à l'abri puisque Bure était terre liégeoise, neutre ... neutralité peu respectée.
Le seigneur, l'Abbé de St Hubert, était représenté à Bure par le président de la cour de justice = mayeur.
La cense de Nive passa à l'abbye de St Hubert. Il y avait aussi une cense de « Trina », acte de 1581 dont on parle rarement dans les archives de l'abbaye. (mouvante en fief de la Principauté de Liège)
En 1609, se trouve sur le cense de Nive, Thomas Noël. Une pièce des archives donne le nom des terres de la cense de Nive: quelques noms:

1)    terres où l'on cultive l'épeautre: terres prial, derrière les Ayoux, Baty de Nive, Batis de Hare, à la perdall, devant Wéve, Lafalize, etc...

2)    terres où l'on cultive l'avoine: Bondu de Hare, Alle Core Dessur Mogine, Nangely, Dessus Strée, Terre au Vivier, Spineux, Waule, etc...

3)    terres en jachères: Les Goules, Houwyn dessur Mogine, Morheille, Moray Cortil, devant Grand Hare, etc...

4)    sartages: Herwy, Hérimont, Nolofosse, Terre de Grand Han, Chenay, etc...

Ces terres ont donné lieu à des procès entre l'Abbé de St Hubert et des habitants de Bure qui ne payaient pas les rentes dues. Toute une farde aux archives d'Arlon.
De la construction de notre église (1738) à la Révolution Française, il y eut deux abbés à St Hubert: l'Abbé Célestin de Jong (1727-1760) et l'Abbé Nicolas Spirlet (1760-1794).


Quel est le souverain de St Hubert?


A notre époque la chose est très contestée. Ils sont trois à prétendre à la souveraineté de St Hubert:

1 - le Prince-Evêques qui semble bien avoir le droit (évident) pour lui, mais il n'a pas d'armée pour défendre son droit;

2 - le Duc de Luxembourg, c.à.d. Le gouvernement des Pays-Bas (Marie-Thérèse et Joseph II) qui ont pour eux une armée;

3 - le roi de France qui renonce à ses prétentions en 1769.

Au traité d'Aix la Chapelle (1748) on décide que St Hubert sera terre neutre jusqu'à ce que le différend entre le Prince-Evêque et le Gouvernement des Pays-Bas soit réglé à l'amiable. Il le fut 32 ans après.
Célestin de Jong était favorable à la France et s'attire la persécution de la cour de Bruxelles. En 1742, il faillit être fait prisonnier par les troupes autrichiennes qui s'emparèrent de St Hubert. Il se sauva à Sedan et n put revenir à son abbaye qu'après la paix d'Aix la Chapelle. Les contestations entre le Prince-Evêque et le Gouvernement des Pays-Bas donnèrent lieu à bien des conflits. Remarquons que ces contestations existaient non seulement pour St Hubert mais aussi pour d'autres territoires, tels Nassogne.
Ce fut le Prince-Ev^que Velbruck qui termine ces difficultés pendantes depuis un siècle par un traité conclu le 26 août 1780 avec l'impératrice Marie-Thérèse. L'impératrice céda au Prince-Evêque diverses terres et seigneuries en contestation, entre autres le village d'Ambly et Wavreille. Le Prince-Evêque céda à l'impératrice St Hubert, Mirwart, Nassogne.
Concluons: St Hubert qui antérieurement était terre liégeoise, était terre luxembourgeoise en fait, lors de la construction de l'église de Bure, en droit, quelques années après. Donc Bure, terre du pays de Liège, a comme seigneur l'Abbé de St Hubert situé en terre luxembourgeoise.
Célestin de Jong, notre seigneur lors de la construction de l'église mérite les louanges. Il sut par sa douceur faire régner la concorde dans sa communauté, y encouragea les études, fit restaurer les bâtiments et l'église du monastère. On lui doit le quartier abbatial au fronton duquel on voit encore ses armoiries avec le chronogramme:
(1729) CeLestInVs De Iong praesVL HvbertensIs Me ereXIt.
Il fit amener l'eau de la fontaine d'Andage sur la place de la ville et dans les bâtiments du monastère. Bref, on peut dire de lui qu'il fut un religieux vertueux et un administrateur habile. Dominique Nicolas Spirlet, dernier Abbé de St Hubert, fut élu par les 38 religieux de l'abbaye le 7 mars 1760. De fait de sa nomination, il devenait vicomte d'Anseremme, seigneur de St Hubert, de Grupont, de Bras, de Bure, Bras, Freux, Vesqueville, Jehonville, Poix, Nassogne, Bande, Waha, etc... Il reçut son élection ratifiée par Rome, la bénédiction du suffragant de Liège, Mgr Jacquet, le 17 mars 1761. Rome l'y obligeait, car Spirlet ne voulait pas relever de Liège. En revanent de Liège, le 19 mars, il s'arrête quatre jours au château de Bure. Le 24, il se rend à Nassogne. Les notales, les bourgeois en armes, le clergé le conduisent en la collégiale St Monon où un Te Deum est chanté. Les bourgeois de St Hubert viennent à sa rencontre et de grandes fêtes ont lieu à l'abbaye et dans la ville pendant plusieurs jours. Plus de quatre pièces de vin furent distribuées sur le marché. La bière ne fut pas épargnée. Chacun était ravi du nouveau seigneur. Cela ne dura pas toujours.
Il avait un penchant décidés pour les entreprises agricoles et industrielles. Des forges, tanneries, aciéries, moulins à écorces, fabriques de potasse, haut-fourneau furent érigés sous son initiative. Fabrique de canons au Fourneau St Michel. Il en vend aux Français et aux Autrichiens, ils explosent au premier coup. -Forge de Poix -Fabrique d'eau forte à Remagne. Il se lança dans l'élevage intensif du bétail, créa de nombreuses prairies artificielles. C'est à Bure qu'il fit semer le ray-gras qu'il avait fait acheter en Orient. Aucune de ses entreprises ne lui réussit. Il ruina l'abbaye et l'endetta de 300,000 livres. Pour comble de malheur, de vastes incendies vinrent brûler de belles forêts appartenant à l'abbaye.
D'autres heures sombres allaient survenir. La Révolution française avait éclaté. Les armées de la République venaient d'envahir les provinces belgiques. L'Abbé Spirlet prit le chemin de l'exil en Allemagne. Il emportait avec lui, dit-on, un grand secret: la connaissance de l’emplacemen où doivent se trouver encore actuellement les reliques de St Hubert. « Les révolutions passent, se serait-il écrié en partant, mais je rentrerai dans mes droits d'abbé, et il me suffira d'exposer pendant quelques mois le corps de St Hubert pour avoir de quoi restaurer mon abbaye, lui rendre son auréole et sa splendeur. » Il mourut en deçà du Rhin le 16 septembre 1794.
Lors de l'entrée des Français, les 23 religieux de St Hubert vinrent se réfugier au château de Bure lorsqu'ils apprirent que les Français, qui avaient brûlé Orval, se dirigeaient sur St Hubert. 1794. Ils furent autorisés en 1795 à réintégrer le monastère. Dom Nicolas Abirut fut élu en remplacement du défunt abbé Sprilet, mais ne fut pas consacré. Mais les jours de la fameuse abbaye étaient comptés. Bien national, elle fut vendue le 10 octobre 1797 à un Français pour 270.000 francs. On avait auparavant vendu les 34 cloches de l'église, enlevé la bibliothèque, les archives, les tableaux. Les biens de l'abbaye, dans le seul canton de St Hubert, furent vendus 1.872.000 frs. L'église et l'abbaye furent revendues en 1807 pour 500.000 frs. En 1808, on s'apprêtait à démolir l'église lorsque des braves gens de St Hubert la rachetèrent pour 35.000 frs. Les bâtiments de l'abbaye devinrent finalement une maison pénitentiaire pour jeunes délinquants.

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