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LE CYCLONE

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LA CONQUETE FRANCAISE DE 1794

1 - L'INVASION


Au début mai 1794, l'armée de Moselle, général Jourdan, traverse Tellin vers Rochefort. Jourdan installe son quartier général à Wavreille jusqu'au 28 mai, puis s'installe à Marche. De nouveau réquisitions, main basse sur les vivres, les grains, les écus, le bétail. Les soldats républicains envahirent l'abbaye St Remy, abandonnée par les chanoines, prirent les provisions et les denrées et dépouillèrent l'église de ses ornements. Le notaire Colle de Wavreille, qui voulait voir le général, fut surpris près des campements. Fouillé, on trouve sur lui une lettre du châtelain de Mirwart, l'informant de la marche de l'armée française. Traité d'espion, il est emmené à la suite de l'armée et, quelques jours plus tard, après des jours de supplice, fusillé à Sinsin et enterré le long du chemin. Imprudence de 1914 et de 19.. Le 26 juin la bataille décisive de Fleurus livrait la Belgique aux Français. Le 27, dernier Prince-Evêque, François de Méan quittait sa capitale pour toujours.

 

2 - L'OCCUPATION EN GENERAL


La 2ème invasion française devait être encore plu terrible que la 1ère. La République n'avait que mépris pour ces Belges qui avaient repoussé les « libérateurs » en 1792 et  avaient fait bon accueil aux Autrichiens. Aussi firent-ils peser sur nous un implacable régime d'occupation militaire. Tout fut réquisitionné, savon, huile, légumes, etc. « Dépouillez la Belgique de toutes ses substances » avait écrit Carnot au Comité de Salut Public. « Une agence de commerce et d'extraction de la Belgique » fut organisée: les trésors des églises, monastères, municipalités, corporations furent enlevés. Les agents, surnommés les « éponges françaises » firent partir vers Paris les tableaux, les objets d'art, etc, (1914-1918). Les agents joignirent au vol public les rapines privées.
A la suite des armées, une foule de misérables, gens rapaces et cruels, s'étaient jetés avides sur notre pays comme sur une proie assurée. La Belgique entière fut livrée au pillage. La lie de la population se croit tout permis et suit l'exemple des Français.
A l'abbaye St Remy, une troupe de vauriens, principalement de Rochefort et d'Havrenne, livra le monastère à un véritable pillage. « Après s'être enivrés de vins, de bières et autres liqueurs, ils ont brisé les tonneaux, les bouteilles, les vitres, arraché les tapisseries et toutes les serrures, brisé et fracassé les orgues de l'église, dansé au milieu de la nef, et violé le tabernacle en arrachant la doublure de satin rouge, déchiré et emporté les livres et la bibliothèque, dévasté le jardin.
A Bure, on ne connut pas tous ces excès – pendant toute la Révolution ils sont dignes -; les religieux de St Hubert vinrent s'y réfugier. Cela prouve en faveur des gens de Bure. On voit plus tard que lors des persécutions contre les prêtres insermentés (1797) M. Le Curé Swolfs n'est pas arrêté. Abure, il n'y avait pas de Judas. Les biens de l'église confisqués et vendus ne trouvent pas d'acquéreurs à Bure.
D'après le citoyen P. La déportation des prêtres insermentés de la région « produit l'inappréciable bien du rétablissement de la tranquillité publique que ces ennemis naturels du gouvernement ne cessaient de troubler. Les administrés sont dégagés du despotisme sacerdotal, ils ne craignent plus comme naguère les menaces ni la haine implacable des prêtres. » Il y a des dénonciations de domaines recelés: « ce gros et gras curé ... a été déporté. » ...
A propos de la chapelle N.D. De Bure, le citoyen P. Dit que ces objets sont peu conséquents et produiront peu au trésor public, mais il importe au gouvernement que la superstition et le fanatisme soient sapés jusque dans leurs fondements. Ces repaires écartés des communes servent encore chaque jour de ralliement aux bigots. Salut et fraternité. P.

 

3 - DANS NOTRE PAYS DE LIEGE


Le jour où les Français entrent à Liège (28 juillet 94) la populace en profite pour piller le palais épiscopal, déchirer les tableaux, saccager le tout. Les troupes françaises sont logées dans les couvents, les chevaux placés dans les églises. Dès l'arrivée des Français, proclamation sur tous les murs de Liège: « Vos fers sont brisés, vos oppresseurs sont en fuite. » Mais ce même jour, la troupe réquisitionne 1 million de bottes de foin, 100,000 bottes de pailles, 40,000 quintaux d'avoine, 34,000 quintaux de grain, 300 pièces d'eau de vie, 3,000 bêtes à cornes, 2,400 moutons, etc, etc, ... Les Français paient avec des assignats. Chose inouïe pour nos gens, on paie non pas avec du numéraire, de bonnes pièces d'or et d'argent, mais avec du papier. On ne pouvait, sous les peines les plus sévères, les refuser en paiement. Les Français disaient que leur valeur nominale serait payée en numéraire, sur le produit de la vente des biens des émigrés et des biens ecclésiastiques confisqués en France par la nation. Le peuple n'en croyait rien.
Pour le convaincre, on proclame que c'est par et avec les assignats que la République a été fondée, qu'elle sera à jamais affermie et que la tyrannie sera détruite. C'est la monnaie de la liberté. Quel est celui d'entre vous qui, se trouvant délivré par les armées victorieuses de la République Française des fers honteux qui ont malheureusement trop longtemps accablé le peuple de Liège, se refuserait encore à recevoir cette monnaie nationale au prix du vil numéraire. Mais les autorités prenaient le « vil numéraire » que les particuliers avaient dans les banques et chez les notaires, et donnaient en échange ... des assignats. Cette monnaie suspecte fit monter les prix. Il fallut établir un prix maximum, un tarif qu'on ne pouvait pas dépasser (16-8-94). Refuser un assignat = tribunal révolutionnaire de Liège.
On est rationné, on établit une carte de pain, on perquisitionne dans les maisons, on confisque les marchandises, on décide que le pain sera fait avec ¼ de farine de seigle et s'appellera « le pain de l'égalité. » Les cordonniers et les cultivateurs sont réquisitionnés. Il faut conduire dans les magasins de la ville la plus proche (Rochefort) tous les grains appartenant aux communautés ecclésiastiques, aux fabriques d'église: ordre à chaque cultivateur de livrer par bonnier une quarte de seigle et une demi-mesure d'épeautre. Heureusement, la municipalité de Rochefort se composait d'hommes du pays, d'opinion modérée et qui n'avaient nulle envie de tyranniser leurs concitoyens. (Pigeon) Ils faisaient ce qu'ils pouvaient comme les bourgmestres pendant la guerre de 1914. Chaque jour de nouvelles réquisitions: foin, paille, avoine (septembre 94) – habillements, chemises, draps de lit (octobre). -Déclaration de tout le bétail, des terres ensemencées, du produit de la dernière récolte. Passage dans les villages de détachements militaires qu'il faut héberger et nourrir. Les soldats s'emparent des volailles et pillent le plus possible. Tantôt on requiert la 7ème bête à cornes, la 7ème bête à laine. Le 16 juillet 1795, le Comité de Salut public impose une contribution de 10 millions de livres sur le pays d'Entre Sambre et Meuse et Rhin; Le contingent de la municipalité de Rochefort s'élève à 11,111 livres qui furent payées en octobre 1795.
Proclamation du 14 août: « Généreux comme toujours, vos libérateurs n'ont rien exigé de vous. Seulement au nom de la Fraternité, ils vous ont demandé le superflu de vos denrées pour subvenir à leur subsistance. Toutes ces fournitures seront fidèlement payées... Rappelez-vous que les assignats ont une hypothèque inépuisable dans les biens nationaux, dans ceux des émigrés, et surtout dans la loyauté française. »
Et voici la « liberté française! » Des comités de surveillance sont établis. Des délateurs, dénonciateurs, indicateurs, mouchards dénoncent à ces comités « les suppôts du despotisme, les suspects de peu d'affection pour les sans-culottes. Les bas sentiments de plusieurs se révèlent. Par vengeance ils font jeter en prison des gens dont ils vont piller les biens. « Épurer le pays. » L'administration liégeoise envoie à Paris l'assurance « du dévouement des Liégeois à la mère Patrie qui a brisé leurs chaînes et les as rendus à la liberté. »
L'hiver 1794-1795 fut très rigoureux.
Le peuple était découragé, ruiné, exploité, affamé. Hérin, curé de Humain écrit dans son journal: « Le grain devint introuvable et la disette se fit sentir; les prix sont très élevés. J'ai vu des gens avec des louis en poche venir pleurer pour avoir du grain ou du pain à quelque prix que ce fut. Les chemins étaient couverts de mendiants de tout sexe et de tout âge, venant surtout des environs de Liège, la plupart gens de métiers sans ouvrage. » Le peuple, accablé de misères, ne voit plus qu'un moyen d'obtenir un adoucissement à ses misères: ne plus être « occupés », mais être « annexés », assimilés aux citoyens français. Les « libérateurs » répondent: « Vous pouvez être fiers, vous serez réunis à la grand famille des citoyens français, mais pour être associés à leur bonheur, à la leur gloire, il faut savoir les imiter en sacrifices et en privations. Comme eux, il faut vous dépouiller de votre numéraire et le verser dans le creuset national. Comme eux, dépouillez-vous du cuivre, livrez les cloches, les croix et les autres matières qui se trouvent dans vos églises, dans vos temples. Le vrai temple est dans le cœur de tout bon citoyen. »
La Belgique fut annexée le 1 octobre 1795. De 1795 à 1814 l'histoire de la Belgique se confond avec l'histoire française. Sur les assignats on pouvait lire : « Liberté, Égalité, Fraternité » ou la mort à sens unique.
Lorsque les Français débouchèrent à Tellin le 26 mai 1794 la Terreur existait encore en France. Robespierre fut abattu le 27 juillet. Nous connûmes quelques mois un de ces terroristes qui disposaient en maîtres des biens et des personnes. C'est le citoyen Dellecolle, maire de Givet, vrai type du jacobin. Il s'est illustré par le pillage et l'incendie du château de Beauraing, du château de Hierges, de l'abbaye de Waulsort, etc... Il opère un véritable pillage dans toute la région. Les agents de la République ne s'appauvrissaient pas dans leurs fonctions et la République vit le profit de ces confiscations singulièrement amoindri aux grands avantages des commissaires et des citoyennes amies des commissaires.

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